Ca lui a parut… lui et Pierre Etaix qui était son assistant et qui avaient lu les différents essais, ils ont trouvé que c’était la manière la meilleure et la plus originale, la plus romanesque, entre guillemets, d’aborder le thème. Donc j’ai été choisi et un jour j’ai eu rendez-vous avec Jacques Tati. C’est comme ça que tout a commencé. J’étais encore à l’école et je vais rue Dumont d’Urville, je me rappelle, pas loin des Champs Elysées, je sonne… pour la première fois de ma vie j’ai sonné à la porte d’une maison de production de cinéma. Jacques Tati m’a reçu, c’était un homme de plus de 50 ans déjà, il avait des cheveux blancs, il était grand, il achevait le tournage de Mon Oncle. Il était d’abord question de faire des Vacances de Monsieur Hulot comme livre, qui était un film qui avait déjà 8 ans d’âge. Il m’a reçu, c’était un homme qui parlait très peu, comme ca, toujours avec une main devant la bouche: «Oui, oui, j’ai lu votre livre…». Il avait cette manière de parler et il m’a dit: «Mais qu’est ce que vous savez du cinéma, vous?», et je lui ai dit: «Ben, je vais à la cinémathèque trois fois par semaine, j’ai vu tous vos films quatre fois…». «Non, ce n’est pas ce que je veux savoir». Il m’a dit: «Qu’est ce que vous savez de comment on fait un film?» et je lui ai dit: «Ben, Monsieur Tati, je ne sais rien… ». «Ah!» il me dit, «Vous n’avez jamais été dans un studio, un auditorium…». «Ben non, non – j’ai dit – jamais…» «Bon…» et là il appelle Suzanne. «Suzanne!» et je vois rentrer Suzanne Baron, une jeune femme très charmante qui était sa monteuse et avec laquelle je devais beaucoup travailler par la suite parce que c’est elle en particulier qui a monté Le tambour de Schlöndorff beaucoup plus tard. Et il dit à Suzanne cette phrase inoubliable, il lui dit: «Suzanne, prenez ce jeune homme et montrez-lui ce qu’est le cinéma».
Ça comme première rencontre avec le cinéma, le premier jour vraiment, on ne pouvait pas rêver mieux. Alors elle m’amené́, c’était 11 heure du matin, elle m ‘a amené́ dans sa salle de montage, elle a mis une bobine de Vacances de Monsieur Hulot sur la… ce qu’on appelait la moretonne [?] à l’époque, on collait… il fallait… enfin c’est tout un système qui a disparu. Elle a mis le scénario ici, la premier bobine du film ici, et moi j’avais des feuilles de papiers blanc sur lesquelles je devais tenter d’écrire un roman. Elle m’a montré comment ça marchait, c’est relativement facile, on va à l’avant, on va à l’ arrière bon… et le petit écran au milieu où on voit l’image et elle m’a dit cette phrase à laquelle encore aujourd’hui je n’ai pas de réponse, quand j’y songe c’est un peu l’histoire de ma vie… elle a mis sa main sur le scénario et elle m’a dit: «Tout le problème c’est de passer de ça à ça… c’est aller du papier au film. C’est là, quelque part entre les deux que se situe le problème. C’est une métamorphose, c’est un changement de matière». On passe de quelque chose qui est écrit à quelque chose qui est filmé, de quelque chose qui est immobile à quelque chose qui bouge, de quelque chose qui est sans images à quelque chose qui n’est qu’image… qu’est ce qui s’est passé ? C’est là qu’a commencé… je peux le dire… mon initiation. Elle a resté huit jours avec moi. Pierre Etaix, de temps en temps, venait, passait la tête par la porte en disant: «Si avez besoin de quelque chose, je suis là…» lui qui était l’assistant de Tati depuis des années déjà, son dessinateur. Et cette première journée, c’est peut-être ça qui était le plus décisif.
It seemed... and Pierre Etaix, his assistant, who had both read every single entry, thought was the best and most original way, the most novelistic approach to the subject. So I was picked and I got an appointment to see Jacques Tati. That is how it all started. I was still at school, and I go to rue Dumont d'Urville, I remember, not far from the Champs Elysées, I ring the bell, for the first time in my life I rang the bell of a production company. Jacques Tati sees me, he was 50 plus, had white hair, was tall, and he was finishing shooting Mon Oncle. It was mainly about writing the book adaptation of the film Monsieur Hulot, a film shot eight years earlier. He saw me, he was a man of few words, always like that, with a hand in front of his mouth, 'Yes, yes, I read your book...' He had that manner of speaking, and he said, 'But what do you know about film-making?' And I said, 'Well, I go to the cinema three times a week, I've watched each one of your films about four times...' 'No, that is not what I want to know'. He said, 'What do you know about the film-making process?' and then I replied, 'Well, Mr Tati, I know nothing.' 'Ah', he says, 'you have never been on a film set or in an auditorium?' 'Well, no, never,' I replied. And then he calls for Suzanne. 'Suzanne!' And I see Suzanne Baron coming in, a charming young lady who was his editor. I was to work a lot with her later in my career as she was the editor for Schöndorff's The Tin Drum. And he tells Suzanne - I'll never forget - he tells her, 'Suzanne, take this young man away, and show him what film-making is all about'. That was my first encounter with film-making, the first day really, and you could not dream of anything better. So she brought me in, it was about 11am, she brought me into her editing room, she put on a film from Monsieur Hulot on the... on what was called a moretonne you had to glue... it was an altogether different system. And she put the screenplay here, and the first film there, and I had some blank papers on which to write the novel. And she showed me how it was working, relatively easy, you go forward, you go back… and the little screen in the middle where you see everything, and she told me that sentence, when I look back on it I think it sums up my life. She put one hand on the screenplay and she said, 'The main issue is to go from here to there... to go from the paper to the film'. And the problem is there in between. It is a metamorphosis, a change between two different ways. You go from something that is written to something that is filmed, something static to something that moves, something without illustrations to something that is full of them... what's happened? That is where it started... I can say... my initiation. She stayed eight days with me. Pierre Etaix would from time to time pop by saying, 'If you need anything, I'm here'. He had been Tati's assistant for several years, and has been his illustrator. That first day was maybe the decisive day.