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Godard's filming techniques
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Jean-Luc isn't a very talkative guy. He talks a lot if he wants to, when he's... Since I didn't really know him, I saw him, I said hi, we exchanged two, three words just like that. Because I think he had written a few lines in the script for Island Fishermen.
[Q] Really?
Why not? Well... so actually, after we were introduced, I worked with Jean-Luc. Well, I mean... he had a team with whom he'd made short films. I mean, at the time I asked him if he didn't mind because Beauregard had told him, 'Raoul will do the cinematography'. Jean-Luc said, 'Sure, no problem'. So I told him, 'If it bothers you, tell me, because I can find an excuse for Georges and tell him that I can't do it'. And he told me, 'No, no, it's not important, we'll do tests, we'll see'.
And so the tests were perfect because actually Jean-Luc's problem was extremely simple. It was... So people need to remember it because every time I read things about the film, it's always... We make a film that's a newsreel, meaning in the way newsreel were made at the time, that is without sound, because there was no sound camera, camera on the shoulder and no light because even the cine-flashes didn't exist. It was something extraordinary because nothing was lite up, the only thing you needed to have were quick framing reflexes for when he said, 'This is what we're going to do. And not waste our time trying to find something else'. It was extremely simple. No light.
[Q] That's what Godard wanted?
That's what Godard had asked for. So indeed, we never put any light. Thankfully because at the time... We must not forget that when Jean-Luc started to do that thing, we must not forget that practically all the films were made in studios. And we never shot in the streets; it was extremely rare to shoot in the streets. If things needed to be shot in the streets, we would build a street in the studio, in exterior but in the studio and we would add extras and things like that, and we would film there, peacefully, etc. There, we were shooting on location, so and all the material we had was... For instance, to light, if we needed lighting, we used huge projectors, Cremers, those were things with... As usual... usually... We always used continuous current for the lighting, for two reasons. The first one being that all the generators were made that way, because they supplied the arcs. The arcs have to be supplied with continuous current. So since nowadays, all the sets have alternating current, if we want to use the arcs, there needs to be a rectifier.
And the second reason is that when we used alternating current on the projectors – because of the way they were designed – because things weren't very well adjusted, we would hear the frequencies go through, creating what sound engineers called harmonics. Meaning that we could hear a slight snore, a very slight sound, the 50 periods of the alternating current. So it drove the sound engineers crazy, so... so it meant that the cables we huge, as big this. And every time we needed to pass a power supply through, passing it under doors or obscuring them was out of the question. So shooting on location was impossible. So, for example when we shot in the Hôtel de Suède, there was this much space between the wall and the bed, we could stand there but there wasn't enough room for a camera mount or anything.
[Q] Were you shooting with a Cameflex?
We were shooting with a Cameflex. But as there was no sound, we could use any camera we wanted to.
[Q] A Came 120? Was it a Came 120?
That's right , a Came 120. So... and there was no... We weren't doing any sound-on-film either, no sound recording, or wild track, without how do you call it, guide track, because Jean-Luc read the text, and the actors repeated it afterwards. So the text was written. Yes, so that... The text was completely written, there was no reason to have a guide track, to know what had been said, they had said what had been said, what was written. So that was sort of the first revolution. So it's true that at the time, when I am asked, 'Would an experienced cameraman have done it?' I know what you are trying to say. But I mean... I mean, ultimately, since I was an apprentice, well... I hadn't made my mark in cinema, so I wasn't really risking anything. I could take the risk of doing something like that, it wouldn't harm... But I can't imagine...
[Q] Decäe, for example?
Matras or Kelber doing something like that. Or I don't know... Lefèvre or... Because... And definitely not Decäe.
C'est pas un mec causant Jean-Luc. Il parle beaucoup s'il a envie, quand il est dans une... Comme j'avais pas de contact spécial avec lui, je le voyais, je lui disais bonjour, on parlait deux, trois mots comme ça. Parce qu'il avait écrit quelques lignes dans le scénario de Pêcheur d'Islande je crois.
[Q] Ah, oui?
Pourquoi pas? Bon, alors en fait, quand il y a eu le contact, que je devais faire avec Jean-Luc, bon je veux dire il avait une équipe avec laquelle il avait fait ses courts-métrages. Je veux dire je lui ai proposé à l'époque s'il était d'accord, si ça ne l'ennuyait pas que je- Parce que Beauregard lui a dit, 'C'est Raoul qui fera la photo'. L'autre a dit, 'Ouais bien sûr'. Alors je lui ai dit, 'Si, ça t'ennuie, tu me le dis, parce que je peux trouver une excuse avec Georges pour dire que je ne peux pas le faire'. Et il m'a dit, 'Non, non, ça n'a pas d'importance, on va faire des essais, on verra'.
Et alors les essais ça tombait très bien, parce qu'en fait le problème de Jean-Luc c'était un truc ultra simple. C'était... Alors ça il faut bien que les gens s'en souviennent parce qu'à chaque fois je lis des trucs à propos du film c'est... On fait un film qui est un reportage, c'est-à-dire comme on faisait les reportages de l'époque, c'est-à-dire sans le son, parce qu'il n'y avait pas de caméra sonore, la caméra à l'épaule et pas de lumière parce que même les ciné-flashs n'existaient pas. C'était un truc extraordinaire parce qu'il n'y avait pas d' éclairé rien du tout, c'était juste d'avoir les réflexes de cadrage rapides pour quand il disait, 'On va faire ça, toc, pas passer son temps à essayer de trouver autre chose'. C'était simplissime. Pas de lumière.
[Q] C'est ce que Godard avait voulu?
C'est ce que Jean-Luc avait demandé. Donc effectivement, on n'a donc jamais foutu de lumière, heureusement parce qu'à l'époque... Il ne faut pas oublier que quand Jean-Luc a commencé à faire ce truc-là, il ne faut pas oublier une chose c'est que tous les films étaient faits en studio, tous, pratiquement. Et on ne tournait jamais dans les rues, rarissime de tourner dans les rues. S'il y avait des choses à faire dans les rues, on construisait la rue en studio, en extérieur en studio et puis on mettait de la figuration, des trucs comme ça, et on tournait là-dedans tranquille, etc. Là, je veux dire, on tournait en décors naturels, bon et tout le matériel qu'on avait c'étaient des... Pour éclairer par exemple, s'il avait fallu éclairer, c'étaient des gros projecteurs énormes, des cremer, c'étaient des trucs où il y avait... Comme d'habitude ça aussi, d'habitude... L'éclairage était toujours fait avec du courant continu, pour deux raisons. La première c'est que tous les groupes électrogènes étaient faits comme ça, parce que ça permettait d'alimenter les arcs, les arcs qui sont obligés d'être alimentés en courant continu. Alors maintenant comme les groupes sont en alternatif, il y a un redresseur si on veut utiliser les arcs.
Et la deuxième raison c'est que quand on se mettait en courant alternatif sur les projecteurs tels qu'ils étaient foutus – comme les choses n'étaient pas très bien ajustées – on entendait passer la fréquence dans les trucs, ça faisait ce que les ingénieurs du son appellent des harmoniques c'est-à-dire qu'on entendait ronfler très légèrement, très légèrement sonore les cinquante périodes du courant alternatif. Alors ça rendait fous les ingénieurs du son, donc- Alors ce qui voulait dire que c'étaient des câbles qui étaient des gros machins gros comme ça. Et à chaque fois qu'il fallait passer une alimentation, c'est-à-dire qu'il n'était pas question de passer sous les portes, de voiler une porte pour passer un câble. Donc je veux dire tourner dans des décors naturels, c'était inimaginable. Bon, là par exemple quand on a tourné dans l'hôtel de Suède, il y avait ça d'espace entre le mur et le lit, d'ailleurs on pouvait passer les jambes mais on n'aurait pas pu mettre un pied ni truc...
[Q] Tu tournes avec quoi, un Caméflex?
On tournait avec un Caméflex, il n'y avait pas de son, donc on pouvait tourner avec les machines qu'on voulait.
[Q] Un Camé 120? C'était un camé 120?
Un Camé 120, c'est ça. Donc... Et il n'y avait pas- On ne faisait pas de son direct non plus, de prise de son, de wild track, de son comment on appelle ça, de son témoin, parce que Jean-Luc lisait le texte, et les acteurs répétaient derrière. Donc le texte était relevé... Oui de façon à ce que... Le texte est complètement relevé, je veux dire donc il n'y avait pas de raison d'avoir un son témoin pour savoir qu'est-ce qu'ils avaient bien pu dire, ils avaient dit ce qui était dit, ce qui était écrit. Bon donc ça je veux dire c'était... Disons la première révolution. Alors ça c'est vrai qu'à ce moment-là, quand on me pose la question, 'Est-ce qu'il y aurait eu des opérateurs confirmés qui l'auraient fait?' Je ne suis pas sûr. Pas qu'ils n'étaient pas capables, ils étaient tout-à-fait capables... Je comprends ce que tu veux dire. Mais je veux dire... Moi je veux dire à la limite comme j'étais un grouillot, bon... J'avais pas de nom dans le cinéma, donc je risquais rien à la limite. Je pouvais prendre le risque de faire ce truc-là, ça n'aurait pas nui à... Mais je ne vois pas...
[Q] Decaë par exemple?
Matras ou Kelber aller faire ces trucs-là, ou je sais pas. Lefèvre ou Parce que. Et Decaë surtout pas non plus.
French cinematographer, Raoul Coutard (1924-2016) was twice nominated for the César Award for best cinematography which he won in 1978 for 'Le Crabe-tambour'. He made over 75 films and documentaries, including 'À Bout de Souffle', Le Mépris' and 'Band à Part'. He was the most acclaimed French cinematographer of his generation and one of the key figures of the New Wave.
Title: Filming with Jean-Luc Godard
Listeners: Bernard Cohn
Benard Cohn is a French filmmaker and writer, who has directed five films as well as numerous documentaries and television series. As an assistant director, he worked with many important filmmakers, including Luis Buñuel, François Jacob, Otto Preminger and Woody Allen. He was a founding member of the Ciné-Qua-Non cinema club and has acted as editor and translator for various publications on the world of cinema.
Bernard Cohn est un réalisateur et écrivain français, ayant réalisé cinq film ainsi que de nombreux reportages et séries télévisées. En tant qu'assistant réalisateur, il a travaillé avec plusieurs grands cinéastes, notamment Luis Buñuel, François Truffaut, Otto Preminger et Woody Allen. Il fut membre fondateur du ciné-club Ciné-Qua-Non et a participé à la rédaction et traduction en anglais, de plusieurs ouvrages sur le cinéma.
Tags: Island Fishermen, Jean-Luc Godard, Henri Decaë
Duration: 5 minutes, 49 seconds
Date story recorded: October 2004
Date story went live: 24 January 2008